Isaïe 58, 7-10 ; Psaume 111 ; 1 Corinthiens 2, 1-5 ; Matthieu 5, 13-16
En raison de la fête de la Présentation du Seigneur, nous n’avons pas entendu, dimanche dernier, la proclamation des Béatitudes. Mais nous connaissons cet évangile et aujourd’hui, nous restons dans le prélude du Sermon sur la montagne où Saint Matthieu, après l’heureuse condition des disciples (béatitudes), parle de leur mission : être sel et lumière. Il s’agit toujours au fond de la même recette du bonheur : aimer, aimer en vérité. Et pour cela, vivre une belle charité, toute simple, au quotidien (1ère lecture). Pour être lumière, avec et comme le Christ, il faut revêtir sa pauvreté, sa faiblesse, qui est puissance (2ème lecture).
Le prophète Isaïe réagit avec la vigueur contre le formalisme religieux toujours renaissant en Israël, et en particulier contre le jeûne ostentatoire qui n’a rien à voir avec la vie de foi. Il invite à poser, jour après jour, des gestes simples, généreux et gratuits. « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement.» Ces gestes sont de ceux qu'un amour authentique inspire. Ils ne trompent pas. Celui ou celle qui les pose non pas une fois à l'occasion, mais fréquemment au long des jours, des mois et des années, est assurément vu et béni de Dieu. Si tu fais cela, conclut le texte d'Isaïe, «ta lumière jaillira comme l'aurore». Et il ajoute: «Si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres. »
Saint Paul s’explique sur sa prédication à Corinthe : pour le fond, rejetant tout système de sagesse humaine, il a prêché la folie de la Croix ; pour la forme, il a fui les prestiges de l’éloquence pour n’employer qu’une parole toute simple. Pour l'apôtre, la croix est le premier temps du mystère Passion Résurrection. Tous ceux qui écoutent la Parole de Dieu doivent entendre à la fois le Christ crucifié et le Christ ressuscité. La croix est chemin, la résurrection est sommet. Saint Paul d'ailleurs ne les sépare pas, lui qui insiste tellement, en d'autres textes, sur la force de résurrection du Christ en nous, sans laquelle vaine serait notre foi.
L’évangile de ce dimanche nous rappelle qu’être disciple de Jésus comporte un certain nombre d’exigences. Matthieu emprunte deux images du quotidien, le sel et la lumière, pour nous donner de bien comprendre cela. « Vous êtes le sel de la terre. […] Vous êtes la lumière du monde. » Ces paroles ressemblent en tout point à un compliment fait aux disciples. À y regarder de plus près, chacun mesurera qu’être sel de la terre et lumière du monde est une invitation incontournable à être témoins du Royaume. Nous savons ce qu’il en est de nos vies lorsque le sel et la lumière viennent à manquer. Perte de saveur dans nos plats et difficultés de conservation. Perte aussi de repères pour traverser les ténèbres. Les disciples de Jésus reçoivent cette mission particulière de donner saveur d’humanité et goût de Dieu à leurs contemporains. S’ils oublient ou négligent cette dimension de leur mission, ils s’éloignent de l’esprit des béatitudes, que Jésus vient tout juste de leur donner, et qui ne sont, en fait, rien d’autre que le projet de Jésus, ce qu’il va mettre en œuvre tout au long de sa vie pour sauver son peuple. L’homme est lumière du monde parce qu’il existe comme homme, dans toute la vérité de son humanité : créé à l’image de Dieu. Nous sommes appelés à éclairer les ténèbres, à donner le goût de Dieu. Quand des hommes et des femmes, autour de nous, broient du noir et cherchent un sens à la vie, nous avons à être sel et lumière pour réveiller l’espérance qui se meurt. Là où l’image de Dieu est défigurée et Dieu menacé en l’homme, nous n’avons pas d’autre choix que d’être, à notre tour, sel et lumière pour nos frères en humanité.
Nos églises, nos assemblées, nous semblent parfois plutôt modestes et en même temps, notre Église est exposée aux regards... Trop connue. Méconnue. Inconnue. Telle est l'Église. Tels sont les chrétiens en tant que chrétiens. Et lorsque Jésus nous dit que nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde, il ne nous invite pas à être prétentieux. II nous confie une mission et une mission très exigeante. II nous invite à être, le sel de la terre et la lumière du monde non par nos qualités exceptionnelles mais par notre témoignage quotidien. Un témoignage fidèle qui est une œuvre commune, que nous construisons "ensemble."
Dieu notre Père, tu as envoyé dans notre monde ton Fils afin qu’il soit la lumière de nos pas et la joie de notre vie. Nous t’en prions : donne-nous de si bien accueillir sa parole et sa présence que nous devenions nous-mêmes lumière pour tous ceux et celles qui nous entourent. Nous te le demandons par ce même Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen.
Père Bernard Dourwe, Rcj.