Genèse 15, 5-18 ; Ps 26 ; Philippiens 3, 17-4,1 ; Luc 9, 28-36
Nous quittons le désert de dimanche dernier pour entrevoir déjà la lumière. En effet, il est beaucoup question de « lumière » aujourd’hui. C’est d’abord l’invitation adressée à Abraham (1ère lecture) et à nous tous de regarder le ciel pour compter les étoiles : ne sont-elles pas signes d’espérance dans nos nuits ? Cette lumière, c’est la promesse du Seigneur, c’est le salut, c’est le Seigneur lui-même (psaume) et le « ciel » où il nous attend (2ème lecture). Pierre, Jean et Jacques en ont déjà fait l’expérience (Evangile), au point de vouloir demeurer sur la montagne auprès du Christ-Lumière. Mais il faut encore poursuivre le chemin.
Aux sources de notre histoire, il y a l'initiative de Dieu et la confiance d'un homme: Abraham. Abraham eut foi dans le Seigneur, et le Seigneur estima qu'il était juste. C’est aussi l’histoire de notre foi, car aujourd’hui encore, Dieu nous tend la main parce que fidèle à sa promesse, il ne saurait nous tromper. Il repend sur nous sa bénédiction par son Fils Jésus-Christ qui s’est livré pour notre salut.
L’espérance chrétienne nous tourne vers l’avenir. Dieu nous a déjà beaucoup donné, mais il fera encore mieux, au fur et à mesure que nous progresserons sur le chemin de la résurrection avec Jésus. Pour ce fait Saint Paul nous invite à ne pas céder à la tentation de rejeter la croix du Christ et à la fascination des choses terrestres pour ne pas nous perdre. Nous devons plutôt tenir bon dans les combats quotidiens en ayant en conscience que nous sommes citoyens des cieux et que notre récompense sera grande lorsque le Christ Jésus se manifestera à nous.
Au premier dimanche de Carême, la liturgie nous conduisait avec Jésus dans le désert, lieu traditionnel de la mise à l’épreuve. Aujourd’hui, elle nous invite à le suivre sur la montagne, lieu traditionnel de la révélation. Révélation de sa divinité à trois disciples privilégiés, dans une perception fugitive qui leur permettra d’assumer l’épreuve de la Passion et la défiguration de celui « dont l’apparence n’était plus celle d’un homme » (Is 52, 14). Quant à Jésus, son rapport aux Écritures d’Israël mérite attention. Nous le voyons y recourir comme à une arme contre Satan dans le désert et, sur la montagne, y puiser la force d’assumer sa mission jusqu’au bout. De fait, c’est bien avec Moïse, symbole de la Loi, et avec Élie, représentant les Prophètes, qu’il s’entretient de son « départ qui allait se réaliser à Jérusalem ».
Un dialogue vécu dans une prière que Luc est le seul à mentionner. C’est bien à une telle confrontation priante avec les Écritures, sous la conduite du Christ, que les disciples sont conviés : « Celui-ci est mon Fils […], écoutez-le. » Car c’est dans cette confrontation qu’ils pourront reconnaître le Ressuscité et saisir toute la portée de l’événement pascal (Lc 24, 11-42). Or, si l’écoute du Fils a été directe pour les premiers disciples, la nôtre passe par la médiation de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament, lus, non pas selon la lettre, mais selon l’Esprit. Cet Esprit qui ne cesse de susciter des interprétations toujours nouvelles dont la grande tradition de l’Église nous offre les trésors, entre autres, dans les écrits des saints et des mystiques de tous les temps. À nous de savoir nous en nourrir pour enrichir notre approche personnelle et entrer plus avant dans le mystère.
Pendant ce carême, dans la suite de ce que nous avons commencé la semaine dernière, prenons le temps de regarder le Christ à l'œuvre en nous, dans le cœur des autres et dans notre monde. Car chacun porte en soi quelque chose de la beauté de Jésus transfiguré. La résurrection est marquée au cœur de nos vies, de l'Église, du monde. Regardons et admirons cela. Utilisons les trois moyens tout simples que sont : la prière, pour un cœur à cœur avec Dieu ; la parole de Dieu, pour avoir le regard même de Dieu sur ce qui se vit aujourd'hui; les frères chrétiens, pour partager ce que nous vivons et voyons.
Seigneur notre Dieu, avant de prendre les traits du serviteur défiguré par l'humiliation et la souffrance, ton Fils dévoile la splendeur rayonnante de son visage de Ressuscité. Nous t'en prions: redonne beauté et clarté à nos vies si souvent ternies par le mal et la souffrance. A toi, Dieu de gloire et de lumière, notre louange aux siècles des siècles. Amen!
Père Bernard Dourwe, Rcj.