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8 novembre 2011 2 08 /11 /novembre /2011 23:57

 La pensée du Cercle de Vienne est contenue dans leur manifeste sur la conception scientifique du monde. Le Cercle prend clairement position en faveur de la science et de la raison. Le but du cercle de vienne est de constituer un langage scientifique fondé sur deux ordres de vérités : celui de la logique (connaissances analytiques) dont les propositions ne sont pas liées à l’expérience et celui des faits (connaissances positives) d’où l’appellation « positivisme logique » attribué au Cercle.

1- La philosophie et la métaphysique 

Selon les positivistes logiques, la philosophie est une action, son but premier est de classifier les problèmes et les discours, son fondement est l’expérience. Sa méthode est l’analyse logique, sa langue est celle de la science. La « scientificité » de la philosophie est une des idées maîtresses du néo-positivisme. Le positivisme a en particulier voulu redéfinir les relations entre la science et la métaphysique. Les néo-positivistes veulent rapprocher la philosophie de la science, en exorcisant les faux problèmes qu’ils dénoncent sous le nom de la métaphysique. Ils proclament leur attachement à l’empirisme, c’est-à-dire à une philosophie qui attribue à l’expérience tout le contenu de notre savoir. Mais ils veulent, chacun à sa manière renouveler, ce thème vénérable de la tradition philosophique et en préciser le sens à la lumière de l’actuelle pratique scientifique.[1]

Le positivisme (d’Auguste comte ou celui du Cercle de Vienne), c’est d’abord l’espoir d’éliminer la métaphysique. Pour le positivisme logique, l’idéalisme allemand (hégélien ou heideggérien), c’est du non-sens. Ce sont des phrases, qui n’ont l’allure de propositions respectables, mais qui, comme le dit Wittgenstein, dans le Tratacus, sont dénuées de signification (unsinning)[2].

Selon le "principe de vérifiabilité " des positivistes, un énoncé est significatif si, et seulement si, on peut prouver qu'il est vrai ou faux, au moins en principe, par les voies de l'expérience. Les énoncés métaphysiques ne peuvent être prouvés au moyen d'expérience. Donc, les énoncés métaphysiques n'ont pas de sens.

La science, quant à elle, serait menacée par la métaphysique, simple mythe assimilable à la poésie. Carnap dira du métaphysicien qu'il est « un musicien sans talent musical ». Selon le positivisme, la plupart des énoncés métaphysiques ne sont ni vrais ni faux : ils ne seraient que « non-sens » (Unsinnig), dans la mesure où il ne s'agit ni d'énoncés analytiques, ni d'énoncés synthétiques empiriques et donc vérifiables par le recours à l'expérience, et qu'enfin l'existence, affirmée par Kant, des jugements synthétiques a priori est niée. Avec le passage du positivisme au positivisme logique, la critique de la métaphysique est passée d'une critique sur ses méthodes et ses thèses à une critique sur sa signification elle-même.

Le rejet de la métaphysique par le positivisme logique part du postulat que seul un langage empirique possède un caractère cognitif, et tente d’articuler ce postulat de façon précise, par la formulation adéquate d’un critère de signification, et de reformuler ensuite divers discours conformément à ce critère. La métaphysique dont l’objet consiste à exprimer les conditions les plus générales de l’expérience, lesquelles, par nature, ne peuvent être données sans aucune expérience particulière, se trouve ainsi rejeté d’emblé.[3]

Pour les positivistes logiques, la métaphysique fait deux types d’erreurs : le premier est de type sémantique : il consiste à introduire, dans l’énoncé un terme qui n’a pas de sens. C’est le cas de Dieu, l’Idée, l’Absolu, l’Etre de l’étant, l’Esprit Absolu… ils ne disent plus que « l’absolu ». Et le second est de types syntaxique : il consiste à agencer des mots qui ont une signification prise à part, pour former une phrase, qui n’a pas de sens. Ainsi la phrase « césar est un nombre premier » ou « néant néantit » sont des suites de mots dénués de sens, sans pour autant violer les règles de grammaire.

La tâche fondamentale de la philosophie est donc double ; d’une part, relier le langage philosophique à une base subventionnelle, et d’autre part, l’accorder à la syntaxe- logique.

2- La logique et le langage

Le néo-positivisme est né en vue de rectifier et de reconstruire la langue philosophique sur des bases empiriques et logiques. Les néo-positivistes s’occupent d’expliciter la fonction logique du langage, considéré comme source de tout l’aspect formel de nos connaissances.

La principale nouveauté du Cercle de Vienne consiste dans son usage de la logique développée par Frege et Russell pour l'étude des problèmes scientifiques. La conception de la philosophie est ainsi radicalement modifiée, pour se concentrer sur l'épistémologie et la philosophie des sciences : tout le reste ne serait que des faux problèmes pour lesquels on ne peut attendre aucune solution scientifique. La philosophie doit être la « logique de la science », c'est-à-dire examiner les théories scientifiques, et en dégager les relations logiques. Elle doit montrer comment le langage d'observation constitué par les « propositions protocolaires », ou « énoncés observationnels », fournit les prémisses sur lesquelles on peut déduire les propositions scientifiques, ou théoriques, proprement dites.

La logique va donc servir ici à distinguer le sens du non-sens : on utilise comme critère la théorie vérificationniste de la signification. Le sens d'une proposition est réduit à sa signification cognitive, autrement dit à la valeur de vérité de celle-ci : une proposition qui n'est ni vraie ni fausse est, selon le Cercle de Vienne, dépourvue de signification. C'est en ce sens que le positivisme affirme que les énoncés poétiques, ou métaphysiques, sont des énoncés sur le langage, et non sur le monde : ils n'ont pas de valeur de vérité, celle-ci dépendant d'une correspondance avec les faits empiriques.

Selon la théorie vérificationniste, la signification logique d'un énoncé dépend en effet de la possibilité de sa vérification empirique : « le sens d'un énoncé est la méthode de sa vérification » (Carnap[])[4]. Selon le positivisme, les énoncés se divisent en énoncés analytiques (les propositions de la logique et des mathématiques, réductibles à des tautologies) et en énoncés synthétiques, qui constituent les sciences empiriques. Les énoncés analytiques n'apprennent rien sur le monde, et sont vrais de par la signification des termes qui les composent (ainsi, « tous les célibataires sont non-mariés »). Ce sont des propositions sinnlos et non pas unsinnig: non pas « absurdes », mais « vides de sens »[5] []. Le réductionnisme logique de Frege et Russell montrerait alors, en réduisant à la logique mathématique les énoncés des mathématiques, que ces derniers sont formés de tautologies []. En se ralliant à Wittgenstein, Russell abandonne ainsi sa position de 1903 (dans Principles of Mathematics), où il considérait que Kant avait eu raison, dans la Critique de la raison pure, de qualifier les mathématiques de « synthétiques », mais qu'il aurait aussi dû accorder ce statut aux énoncés logiques[6].[]

Pour qu'un énoncé synthétique ait un sens, il faut donc qu'il porte sur un fait empirique observable. S'il n'est pas vérifiable à l'aide de l'expérience, alors c'est soit de la pseudo-science, soit de la métaphysique. Ainsi une proposition affirmant « il y a un Dieu » n'est ni vraie, ni fausse, mais tout simplement dénuée de signification, car invérifiable. L'empirisme logique divise ainsi les énoncés des théories scientifiques en « expressions logiques » et en « expressions descriptives » : ceux-là rassemblent les connecteurs logiques et les quantificateurs, et sont partagés par toutes les sciences, tandis que ceux-ci sont spécifiques à chaque science (par exemple le concept de « force », d'« électron » ou de « molécule ») [5]. Les termes descriptifs eux-mêmes se divisent en « langage observationnel » et en « langage théorique » : le langage observationnel désigne les entités publiquement observables (c'est-à-dire observables à vue nue, par exemple une « chaise »), tandis que le langage théorique comporte des termes désignant des entités non observables (ou plus difficilement observables, comme un « proton »)[7] [].

A partir de cette distinction entre les énoncés descriptifs observationnels et les énoncés descriptifs théoriques, la théorie vérificationniste de la signification en arrive à postuler qu' « un énoncé a une signification cognitive (autrement dit, fait une assertion vraie ou fausse) si et seulement s'il n'est pas analytique ou contradictoire et s'il est logiquement déductible d'une classe finie d'énoncés observables. » [5]

Par contre, le statut de la logique ne fait pas l'unanimité dans le Cercle de Vienne, et a été sujet à des changements de vues. Schlick défend une conception, proche de Wittgenstein, qui fait de la logique une activité et non une théorie. La logique ne pouvant rien dire de sensé, elle a seulement pour rôle de donner des éclaircissements sur les propositions scientifiques. Par conséquent, la théorie vérificationniste de la vérité, qui est censée distinguer le sens du non-sens, serait elle-même un non-sens.

Selon le cercle de Vienne, les formes de langage dans lesquelles il était baigné relevaient d’une construction des temps ancien se fondant sur certaines représentations métaphysiques de l’âme. A cela s’ajoutait les difficultés de fait, la plus part des concepts employés en psychologie sont bien insuffisamment définis. Ainsi, toute la théorie de la connaissance reste à refaire.

3- La science et le physicalisme

La conception scientifique du monde que cherche à promouvoir le cercle de vienne n’est pas seulement l’expression d’une volonté de vérification du discours philosophique. Elle a aussi pour but l’unification de la science. Pour atteindre ce but, il est nécessaire de construire l’ensemble des objets de la science à l’intérieur d’une science unifiée.

Si les sciences peuvent toutes se fonder sur les propositions protocolaires, alors les sciences auront une unité non seulement méthodologique mais aussi théorique. Il n'y a plus de raison de principe de distinguer les différentes sciences en fonction de leur domaine, comme le faisait Comte. Ultimement, d'après Quine, l'unité de la science repose sur l'unité du réel. Tous les phénomènes (biologiques, sociaux, culturels, etc) sont réductibles à des phénomènes physiques, c'est-à-dire qu'ils sont entièrement descriptibles à partir des lois fondamentales de la physique. Ce réductionnisme des sciences à la seule physique prend le nom de « physicalisme ». Le « physicalisme » s’inscrit dans la démarche du cercle de Vienne visant à éliminer radicalement la métaphysique comme dépourvue de sens.

1-      Les fondements physiques et géométriques 

La théorie de la connaissance a libérée les concepts principaux de la science de la nature des amalgames métaphysiques. En effet grâce à Helmholtz, Mach, Einstein et à d’autres les concepts suivants ont été purifiés : espace, temps, substance, causalité, probabilité. La substance matérielle s’est trouvée dissoute par la théorie des atomes et la théorie du champ, et la causalité, dépouillée de son sens anthropomorphique d’influence ou de connexion nécessaire.

Aussi, l’application de la méthode axiomatique entraine une séparation des composants empiriques de la science, des composants purement conventionnels. Le jugement synthétique à priori n’a plus de place ici. Si la connaissance du monde est possible, ce n’est plus parce que la raison humaine imprime à la matière sa forme, mais parce que la matière est ordonnée d’une certaine manière, mais le type et le degré d’ordre n’est connu d’avance. « La conception scientifique du monde ne rejettera pas le résultat d’un travail de recherche parce qu’il a été obtenu par des moyens insatisfaisants, qu’il soit insuffisamment clarifié du point de vue de la logique ou insuffisamment fondé du point de vue empirique. Mais elle s’efforcera toujours d’obtenir et de faire progresser la vérification par des moyens entièrement clarifiés, c'est-à-dire par la réduction direct ou indirecte du vécu »[8].

Les recherches de Gauss (1816), Bolyai (1853), Lobatchevski (1835) et d’autres ont conduit à la géométrie non euclidienne et amené à reconnaitre que le système géométrique classique d’Euclide, jusque là seule à dominer, n’est qu’un système parmi un ensemble infini de systèmes également justifiés logiquement. D’où la question laquelle des géométries est celle de l’espace du réel. Gauss s’est lancé dans cette recherche en mesurant la somme des angles d’un grand triangle ; la géométrie physique devient une science empirique. Le problème est étudié par Poincaré qui insistera sur le lien entre la géométrie physique et toutes les autres branches physiques. La géométrie va alors se développer progressivement jusqu’à se séparer de la géométrie purement mathématique.

2-      L’éthique et la politique. 

Par ailleurs, le positivisme logique, tout comme le positivisme, n'est pas sans préoccupations politiques. Proches du socialisme et de la social-démocratie, le Cercle de Vienne et la Société de la philosophie scientifique de Berlin identifiaient d'une part la lutte contre l'idéalisme allemand au projet global d'élimination de la métaphysique, et d'autre part considéraient leur critique comme une forme de résistance à l'irrationalisme de l'idéologie fasciste[9] []. Selon le manifeste de 1929, la science est une conception du monde à part entière, et pas simplement une discipline à laquelle on peut ou pas se livrer. La politique aussi doit renoncer à ses « dogmes métaphysiques » et être dirigée par des principes scientifiques : le projet comtien, précurseur de la technocratie, est repris. Neurath, notamment, a donné sa dimension politique au Cercle de Vienne.

Alfred Ayer critiqua ainsi, pour ce motif, l'idéalisme du philosophe britannique F.H. Bradley, dans son livre Language, Truth, and Logic (1936), qui popularisa les thèses du positivisme logique dans le monde anglo-saxon. Le critère vérificationniste était aussi destiné à être employé dans les sciences, pour pourchasser les énoncés métaphysiques qui y étaient encore présents. Ayer défendit par ailleurs une conception méta-éthique qualifiée d'émotiviste dans cet ouvrage, qui s'oppose à tout cognitivisme moral : les valeurs morales ne pouvant faire l'objet de propositions logiques, il n'est pas possible, selon lui, d'argumenter rationnellement en matière de morale.

Les problèmes éthiques furent relégués au second plan par les positivistes logiques. Schlick (1930), qui s’intéressa le plus à ces questions, tente de donner un statut cognitif aux propositions éthiques afin d’éviter qu’elles ne tombent sous le couperet du non-sens. Les prédicats « bien » ou « juste» sont utilisés pour exprimer nos désirs. On appelle « bon » ce qui, croit-on, va apporter la plus grande quantité de bonheur. L’étude de nos désirs fait l’objet d’une science, la psychologie. Il s’agit ensuite d’examiner les processus causaux, sociaux et psychologiques qui expliqueraient pourquoi les êtres humains ont tel ou tel désir et c’est là l’objet propre de l’éthique comme science. La majorité des néo-positivistes étaient opposés à Schlick et défendaient le statut non cognitif des énoncés éthiques.

   Pour le Cercle de Vienne, les connaissances sont de deux qualités ; d’une part les propositions analytiques, d’autres part, celles qui tirent leur contenu de l’expérience. Par ailleurs, d’après le Cercle de Vienne un énoncé n’a de signification cognitive, c’est à dire n’est susceptible d’être vrai ou faux, que s’il est vérifiable par l’expérience : c’est pourquoi on qualifie encore le cercle « d’empirisme logique ». Bref on peut résumer la pensée du cercle de vienne en trois moments principaux : l’unification de toutes les sciences dans l’empirisme et le logisme, ensuite réduire la philosophie à une simple théorie de connaissance, enfin, découvrir la nature des problèmes métaphysiques qui ne proviennent que d’un mauvais usage du langage.  Mais cette pensée néo-positiviste sera fortement critiquée.



[1] Giles Gaston Granger, « Néo-positivisme »,  Encyclopaedia Universalis, p. 182

[2] Pierre Jacob, De viennes à Cambridge. L’héritage du positivisme logique, Gallimard, coll. Tel, Paris, 1980, p.11-12

[3] Encyclopédie Universelle, les notions philosophiques, « positivisme logique », p. 2002

[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Empirisme_logique.

[5] Pierre Jacob, De Vienne à Cambridge, p.11

[6] Pierre Jacob, De Vienne à Cambridge, P.19-20

[7] Pierre Jacob, De Vienne à Cambridge , p.10

[8] Antonia Soulez, Manifeste du cercle de Vienne et autres écrits, PUF, 1985, Paris, P.123

[9] Pierre Jacob, De Vienne à Cambridge, p.11

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