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3 juillet 2010 6 03 /07 /juillet /2010 10:18

 

A-    DEFINITION ET TYPES DE MORALE

 

 Étymologiquement, « morale » vient du latin moralis, traduit par Cicéron, du Grec ta èthica ; les deux termes désignent ce qui a trait aux mœurs, aux caractères, aux attitudes humaines en général, et en particulier, aux règles de conduite et à leur justification. On réserve parfois, mais sans qu’il y ait accord sur ce point, le terme latin à l’analyse des phénomènes moraux, concrets, celui d’origine grecque au problème du fondement de toute morale et à l’étude des concepts fondamentaux, tels que bien et mal, obligation, devoir, etc.

La morale apparaît d’abord, et légitimement, comme le système des règles que l’homme suit (ou doit suivre) dans sa vie aussi bien personnelle que sociale. Vue ainsi, le problème moral et les problèmes de la morale constituent le centre de toute réflexion, puisque toute entreprise humaine, pour désintéressée qu’elle se croit, est soumise à la question de savoir si elle est justifiée ou non, nécessaire, admissible ou répréhensible, en accord avec les valeurs reconnues ou en contradiction avec elles, c’est-à-dire si elle aide à la réalisation de ce qui est considéré comme souhaitable, à la prévention ou à l’élimination de ce qui est jugé mauvais.[1] C’est ainsi que Jean Mbarga considère la morale comme :

« Un ensemble de règles de conduite d’une société ou d’une culture donnée. La morale éclaire la conscience individuelle et collective des membres d’une société ; elle donne des repères capables d’éclairer et discerner le bien du mal, à éviter le mal et à faire le bien. Dans ce sens, la morale aide à faire le choix, de bons choix ; elle propose un ensemble de références et de critères pour former les consciences, éclairer l’opinion publique, mobiliser l’action des personnes, des communautés et des peuples.  La morale aide à respecter les droits et les devoirs. Elle inspire les jugements des valeurs de l’homme. Par elle, l’homme découvre aussi le sens de sa destinée, les vertus, le sens du bien et le sens du bonheur. »[2]

Ainsi, La morale est une réflexion sur la vie issue de la vie elle-même. Elle est la science normative  de la conduite humaine, celle-ci, procédant d’une volonté délibérée.

L’acte moral, quant à lui,  est un acte libre valorisé car : « il n’y a pas d’acte moral qui ne soit humain ; il n’y a pas d’acte humain qui ne soit libre »[3] nous dit René Simon.

L’objet de la morale est l’ensemble des actes humains et les actes humains sont d’abord volontaires. L’acte humain unit l’intelligence et la volonté. Un acte volontaire est librement posé sans aucune contrainte externe  et procède d’une inclination intérieure spontanément.

Le bien de l’acte humain lui vient de sa conformité à la raison, le mal de sa non-conformité.  « C’est à la recta ratio que la volonté doit se conformer pour être moralement bonne. La recta ratio c’est la raison éclairée par les premiers principes de l’ordre moral. »[4]

Les règles morales sont établies en fonction des individus, des sociétés, des cultures, des civilisations en tenant en compte le temps, l’espace et les valeurs, en vue du bien commun et individuel. La morale joue un rôle social. C’est pourquoi il n’y a pas de morale absolue. D’où la nécessité de distinguer plusieurs types de morales.

 

La morale peut être distinguée sous plusieurs formes. Comme discipline, la morale comprend la morale générale, la morale appliquée et la morale professionnelle. Mais nous mettons ici en exergue la distinction établie par Jacques Maritain qui différencie deux grandes catégories de systèmes éthiques ou moraux : l’éthique acosmique réaliste de la tradition classique et l’éthique acosmique idéaliste de Kant qui ont chacune des sources et des conséquences différentes. 

L’éthique cosmique réaliste de la tradition classique

Dans la grande tradition qui s’est développée depuis Socrate, la philosophie morale peut être caractérisée comme une éthique cosmique réaliste. « Nous disons éthique cosmique, c’est-à-dire fondée sur des réalités extramentales qui sont l’objet d’une métaphysique et d’une philosophie de la nature. »[5]  Cette éthique est à la fois, et essentiellement, de caractère expérimental et de caractère normatif. Dans cette perspective éthique, le bien moral est fondé dans la réalité extramentale : Dieu, la nature des choses, et spécialement la nature humaine, la loi naturelle. C’est la perspective de la conscience commune de l’humanité[6].

L’éthique acosmique et idéaliste de Kant

Avec Kant, tout a changé. Il a cherché à garder l’absolutisation judéo-chrétienne de la moralité, dans une éthique de la raison pure, qui se débarrassait de tout élément proprement révélé ou surnaturel. Il nous propose une éthique sans fin dernière, délivrée de tout élan vers le bien. La révolution kantienne, aux dires de Maritain :

« Aboutit à une éthique acosmique-idéaliste, construite indépendamment de toute vue sur la situation de l’homme dans le monde et l’univers, et qui ne veut avoir de fondement ni dans la métaphysique, ni dans la philosophie de la nature, éthique ayant un caractère déductif normatif. »[7]

La philosophie morale postkantienne.

 Après Kant, la philosophie morale est entrée en pleine confusion. Elle s’est trouvée dans un état de crise permanent. On pourrait dire d’une manière sommaire qu’on a eu affaire alors à trois principales lignes d’évolution :

En premier lieu, les théories que l’on  pourrait appeler acosmiques-idéalistes, fondées (à la différence de Kant) sur une métaphysique, mais (à raison de Kant)  purement idéaliste et aprioriste.

Une seconde ligne d’évolution s’est développée au contraire en réaction contre Kant : c’est une théorie éthique qui n’est ni cosmique-réaliste, ni acosmique idéaliste, mais qu’on pourrait caractériser comme positiviste-scientiste. Tel est le sociologisme, qui s’est développé d’abord en France, puis s’est répandu partout.

Troisième ligne d’évolution : elle marque un retour plus ou moins incomplet à une conception cosmique et authentiquement philosophique. C’est ici que s’inscrit la morale d’Henri Bergson dans Les Deux sources de la morale et de la religion. Elle vise à réintégrer la philosophie morale dans un ensemble non seulement « physique » au sens de la philosophie de la nature, mais aussi métaphysique, et cherche à fonder l’éthique à la fois sur une philosophie de la nature et sur une connaissance des réalités absolument premières. [8]

Nous pouvons également noter que des formes de morale se sont développées en fonction de leur finalité. Parmi ces formes, nous avons : l’hédonisme, l’eudémonisme, l’épicurisme, l’utilitarisme, etc.

 

B- LES DONNEES DE LA MORALE  

Les données  de la morale sont des éléments fondamentaux de toute moralité. Il s’agit ici de la conscience morale, de la loi morale et de l’obligation morale. Les vertus et les valeurs feront l’objet de la partie suivante.

La conscience morale a un but principalement pratique différent de la conscience comme source de connaissance de soi et du monde qui a un but principalement théorique. La conscience morale désigne le sentiment intérieur d’une norme du bien et du mal qui nous dit comment apprécier la valeur des conduites humaines. Elle est une voix qui parle en nous et qui nous permet, en notre for intérieur, de distinguer le bien du mal, d’en fournir des normes, de mesurer la valeur des actions, de juger de notre conduite et de celle des autres. En effet, cette « voix » de la conscience, qui se fait entendre est, selon Jean Jacques Rousseau, la même en tout homme. Malgré la diversité et  la variabilité des mœurs et des connaissances, elle est universelle : elle est en nous la voix de la nature, car « quoique toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au-dedans de nous, et c’est par eux seuls que nous connaissons la convenance qui existe entre nous et les choses que nous devons respecter ou fuir ».[9] Tel un instinct, mais pourtant signe de notre liberté, elle ne nous trompe jamais, pour peu qu’on l’écoute vraiment :

« Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ces actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe »[10].

Pour Rousseau, les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments. Mais il n’en est pas ainsi pour Kant qui considère au contraire la conscience morale comme l’expression de la raison pratique. Certes elle se manifeste par un sentiment qui est le respect. Mais ce sentiment est tout à fait différent de ceux qui font naître le désir car, tout au contraire, il dévoile la soumission de l’homme à la loi morale, soumission qui est aussi sa liberté car elle témoigne de l’exercice parfait de la raison pratique.

       Gabriel Madinier quant à lui pense que la conscience morale est « une attitude de la personne humaine à déterminer la valeur d’un acte en fonction d’une échelle de valeurs, à distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais. »[11] Elle joue un rôle important dans l’action humaine car elle témoigne, oblige et juge nos actes. C’est pourquoi Jean Mbarga affirmera que :

« Pour chaque homme, la conscience est l’ultime juge de ses actes humains. Elle en apprécie la valeur morale. Elle se réfère, en principe, aux normes objectives et à la vérité pour discerner et délibérer. La conscience morale oriente les choix et les décisions de la personne humaine. En ce sens, elle est à la fois guide et loi. Elle a une capacité de discerner du bien et du mal ; elle dénonce la malice et indique la voie du bien. Voilà pourquoi elle dirige la vie morale. »[12]

La conscience a deux qualités : la rectitude et la certitude. La rectitude fait une conscience droite et la certitude donne à la conscience la sûreté du jugement quant à la valeur de son objet.[13] La conscience morale nécessite donc une loi morale pour un meilleur discernement du bien et du mal.

 

Il s’agit de l’impératif qui interdit à l’homme certains comportements, non pas pour le seul motif que ces comportements seraient  sanctionnés par le droit, mais parce qu’ils sont indignes de l’homme.  Située bien en amont des lois civiles, la loi morale définit le bien et le mal, en commandant de faire le premier et de rejeter le second. Elle est universelle, immuable et transcende toutes les expressions écrites qui peuvent chercher à l’exprimer (règles déontologiques, avis des divers comités d’éthique, etc.). C’est, pour les juifs et les chrétiens, le registre du Décalogue et, pour  beaucoup de nos contemporains, celui des Droits de l’Homme.

Les lois civiles, quant à elles,  sont ce que l’on appelle le droit positif, c’est-à-dire tout le dispositif juridique -législatif et réglementaire- qui est celui d’un pays donné à un moment donné. Les lois civiles définissent le permis et le défendu, en vue de rendre possible un vivre-ensemble dans une société pluraliste. La loi naturelle ou loi morale :

« Vient de la nature de l’homme. Celle-ci est un ensemble de valeurs et principes moraux qui fondent les droits et les devoirs de l’homme et qui servent à sa pleine dignité. L’être humain peut la connaître, la formuler et l’exécuter. Elle est fondamentalement universelle et immuable même si sa formulation peut varier dans le temps. »[14]

 Elle est écrite au fond du cœur de l’homme. Elle est définie comme des règles de conduite fondées sur la nature même  de l’homme et de la société.

Cette loi qualifiée de ‘‘naturelle’’ implique la nature et plus particulièrement ici la notion de nature humaine. Si  l’homme est un animal faisant partie de la nature, il n’est pas un animal comme les autres. Sa raison lui fournit des ‘‘principes’’. Situé dans le monde de la nature, il est soumis, comme elle, à la nécessité, au déterminisme. Mais par la raison, il accède à un monde moral où il ne s’agit plus simplement de savoir ce qui est, mais ce qui doit être et où règne la liberté. Elle est certes bien un commandement comme les lois civiles mais un commandement intérieur qui nous oblige moralement sans nous contraindre matériellement. Il y a liberté dans l’obéissance à la loi morale parce qu’il y a autonomie. C’est l’homme qui décide d’obéir à la loi morale  tandis qu’aux lois civiles, on obéit non par conscience mais par crainte.

Pour Kant, la loi morale doit se définir par sa  forme et doit être universelle d’où cette proposition « je dois toujours me conduire de sorte que je puisse aussi vouloir que la maxime devienne une loi universelle. »[15] D’où un lien étroit avec l’obligation morale car la loi oblige tout comme la conscience morale.

 

 L’obligation morale repose sur la valeur. Pour Maritain en effet,  « Toute obligation dépend de la valeur de l’acte, moralement bon (donc il faut le faire) ou moralement mauvais (donc il ne faut pas le faire). Je suis moralement obligé de respecter la vie et l’honneur de mon prochain. »[16] L’obligation morale implique la liberté d’action et de décision. Elle exclut toute contrainte physique. Et cependant,  elle implique une sorte de contrainte interne, de lien, qui est absolument indestructible et qui a affaire à la liberté elle-même. Elle est « fortifiée en nous par les commandements positifs de la morale révélée, par la loi des préceptes religieux et du Décalogue, lequel, pour l’homme de foi, ne descend pas de la pure raison mais de Dieu parlant aux hommes. »[17]

C’est sur l’obligation morale que Kant et Bergson vont fonder leur morale. Pour Kant, cette notion est intrinsèquement liée à celle du devoir. La morale selon Kant correspond à un ensemble de devoirs  auxquels nous sommes ténus de répondre, car ils s’imposent à nous comme des obligations. Nous devons exercer notre raison pratique pour décider en fonction des principes clairs ce que nous devons faire. La raison peut incliner la volonté à se porter vers tel ou tel objet qui soit conforme à ce qu’elle pose comme fin. L’acte moral doit se situer sur le plan de la recherche d’un bien universel et non d’une satisfaction personnelle. Agir par devoir, c’est agir non pas en prenant en compte ses propres intérêts, mais en voyant chaque fois ses actes sur un plan universel. Une obligation morale se justifie par elle-même et c’est tout.

L’analyse morale de Kant montre que l’obligation morale n’est pas en contradiction avec notre liberté, bien au contraire, elle exprime notre liberté. C’est parce que l’homme est doué d’une conscience morale qu’il est capable de dépasser le conditionnement animal du  besoin. Ainsi, le problème de l’obligation a pris une importance démesurée à partir de Kant. « Alors que le bien moral reste la notion de base de la morale ancienne, l’impératif catégorique devient chez Kant le ‘‘ primium cognitum’’  de l’ordre moral ; il est ‘‘le fait de la raison’’ sur lequel repose tout l’édifice de la vie morale et de l’éthique philosophique. »[18]

Avec Kant, nous distinguons deux sortes d’impératifs : l’impératif hypothétique : fais ceci, si tu veux cela. Dans ce cas, l’action n’est bonne que comme moyen pour une fin. Elle n’est pas comme telle bonne en soi. L’impératif hypothétique peut-être un impératif de l’habileté (technique) ou un impératif de la prudence (pragmatique). L’impératif technique porte sur des fins seulement possibles ; il est «  problématiquement pratique »[19] l’impératif pragmatique concerne les moyens à employer en vue d’obtenir le bonheur, vers lequel les hommes tendent nécessairement : le but est ici considéré comme réel et l’impératif en question est alors « un principe assertoriquement pratique. » [20] Ces deux impératifs sont analytiques et reposent sur cette assertion ainsi énoncée: « qui veut la fin veut les moyens ».

L’impératif catégorique : il s’impose absolument, inconditionnellement ; il est catégorique et représente l’action comme « objectivement nécessaire. »[21] Il est « une proposition pratique synthétique a priori ».[22] L’impératif catégorique ne dit pas : fais ceci, si tu veux cela ; mais : fais ceci, purement et simplement. C’est l’impératif de la moralité et il n’est possible que par la liberté car le concept de la liberté est la condition fondamentale de la moralité.

Mais Bergson, quant à lui, fondera, au contraire, l’obligation morale sur la pression qu’exerce la société sur l’individu. Ce regard sera développé dans la partie concernant la morale bergsonienne. L’obligation tient également en compte les valeurs et les vertus.

 

 

C- LES VALEURS ET LES VERTUS  

 

Les valeurs sont les normes de l’action. Les vertus par contre, sont des moyens efficaces en vue d’exécuter l’action conforme à la norme.[23]

 

Une valeur morale est une idée qui guide le jugement moral des individus et des sociétés. Les valeurs morales forment un corps de doctrines, qui prennent la forme d’obligations qui s’imposent  à la conscience comme un idéal. Ces valeurs morales sont créées et transmises par les idéologies, les religions et les sociétés humaines. Certaines de ces valeurs morales se veulent universelles. Le don de soi, la tolérance, le respect, la loyauté, sont des exemples  de valeurs morales.[24]

La problématique soulevée par la notion de valeurs morales est de savoir ce qui fonde celle-ci, et si les valeurs morales sont objectives ou subjectives. Certains penseurs affirment que les valeurs sont intrinsèques, qu’elles existent en elles-mêmes dans le monde et que l’homme doit chercher à les découvrir, à les atteindre. Cette approche est particulièrement développée par Platon, pour qui, il existe ‘‘un monde des idées pures’’ dont le nôtre n’est qu’un reflet. Il suppose que les idées existent dans ce monde sous la forme de vérités absolues. Il présente ses réflexions sous la forme de la « métaphore de la caverne » où les hommes sont comme enchaînés au fond d’une caverne d’où ils n’aperçoivent que les ombres qui défilent sur la paroi sans vraiment distinguer leurs contours. Ils doivent se retourner et affronter une lueur aveuglante pour reconnaître difficilement et douloureusement les valeurs réelles du monde[25].

D’autres philosophes comme Spinoza affirment qu’on ne désire pas une chose parce qu’elle est bonne, mais qu’elle est bonne parce que nous la désirons. Les valeurs seraient donc le simple reflet de nos désirs collectifs[26]. Mais les valeurs peuvent aussi être conçues comme « une création de l’individu libre qui s’affirme et qui crée des valeurs par un engagement personnel venant critiquer et transformer les valeurs dominantes du moment ».[27]

Les philosophes s’entendent pour dire qu’il s’agit des principes comportementaux que chacun doit suivre pour avoir bonne conscience. C’est pourquoi Maritain affirmera que : « La valeur morale est la qualité qui fait qu’une action humaine est intrinsèquement bonne, attractive par sa propre bonté. Ce concept est au cœur de la philosophie morale, c’est le concept éthique le plus spécifique, mais il est difficile à bien saisir. »[28]  En effet :

« Les valeurs morales sont spécifiquement bonnes ou mauvaises parce qu’elles sont objet de connaissance pratique, non spéculative ; objet d’une connaissance qui n’est pas spécifiée parce que les choses sont, mais parce qui doit être fait ; d’une connaissance spécifiée par la règle ou la mesure qui est la matrice de la chose à faire. »[29]

La valeur morale a certaines caractéristiques. Elle affecte et l’objet et le sujet. Elle est désirable pour elle-même et par elle-même : on la détruit si on en fait un moyen, mais elle peut être appréciée en même temps que recherchée en vue d’autres choses. Elle diffère des autres valeurs spirituelles par ses rapports avec elles. La valeur morale s’accompagne d’un caractère obligatoire.  Elle est la valeur propre de l’acte humain et du sujet. Elle fait de l’homme un être vertueux.

 

Le terme vertu tel qu’il est ordinairement employé permet difficilement de voir ce qu’on veut dire par là. Si l’on cherche, dans un dictionnaire, le terme grec correspond à ‘‘arete’’, on trouve ces sens : mérite ou qualité par quoi l’on excelle, c’est-à-dire habileté, bonté, beauté, ou encore courage, considération, honneur, bon office, service, naturellement aussi dans le sens de leur synonyme : vertu au pluriel : nobles actions. Le terme ‘‘virtus’’ en latin signifie : virilité, force, effet, influence, valeur, courage, bravoure, bonne qualité, perfection, mérite, caractère, vertu. Pour Arthur Utz, qui note tous ces sens, « il s’agit toujours de talents que l’homme s’est acquis par ses efforts personnels pour enrichir  sa nature ; ils sont, par conséquent, les qualités qui le distinguent. » [30]

 En morale, on entend par vertu une qualité acquise pour parfaire la capacité naturelle.  On attend de l’homme moralement parfait  qu’il agisse en responsable et se tourne vers le bien avec facilité, avec joie et avec une certaine sûreté. Puisque la nature ne procure pas cette qualité, il doit se l’approprier. Bref, le concept de l’habitus moral ou de la vertu postule une certaine stabilisation dans le bien.[31]

Les vertus tiennent pour objet l’honnêteté des actes humains, c’est-à-dire des moyens d’atteindre  la fin ultime. La vertu morale perfectionne nos tendances en les adaptant  au bien de la raison, c’est-à-dire en modérant et ordonnant, selon la raison, tous les mouvements de nos appétits : les passions, les opérations de l’appétit sensible ou de l’appétit intellectuel (la volonté). Elle  est ainsi selon Jean Pascal Perreux, une capacité de l’esprit, du cœur et de la volonté.[32] Elle affecte l’homme au plus intime de lui-même, dans sa volonté et sa liberté, elle rend l’homme bon purement et simplement. Elle apparaît comme une maîtrise de l’homme sur lui-même.

Une division est faite également au niveau des vertus : Les vertus humaines se divisent en vertus morales et intellectuelles. Toutes deux sont acquises et ordonnées à un bien proprement humain.  Par opposition à ces dernières, les vertus théologales (foi, espérance et charité) sont infuses et ordonnées à un bien proprement divin. Les vertus cardinales, regroupent les vertus morales de courage, de tempérance, et de justice, ainsi que la vertu intellectuelle de prudence. Ce sont celles autour desquelles toutes les autres vertus morales gravitent et se rattachent. Cette schématique est empruntée à la culture grecque[33].

 



[1]Cf. Eric Weil,  Morale in Encyclopaedia Universalis, t. 12, Paris, 1989,  p. 743.

[2] Jean Mbarga, Valeurs humaines, valeurs morales, éd. groupe éthique, Yaoundé, 2002,  p. 7-8.

[3]  René Simon, Morale, p. 76.

[4] Ibidem, p. 144.

[5] Jacques Maritain, Neuf leçons sur les notions premières de la philosophie morale, Pierre Téqui, Paris, 1995,

                                p. 1-2.

[6] Ibidem, p. 2.

[7] Ibidem, p. 3.

[8] Cf. Ibidem, p. 5-6.

[9] Jean Jacques Rousseau, Emile ou de  l’éducation, livre IV,  G F/Flammarion, Paris, 1966,  p. 377.

[10] Ibidem, p. 378.

[11]  Gabriel Madinier, La conscience morale, Puf, Paris, 1969,  pp. 9-10.

[12] Jean Mbarga, Valeurs humaines, valeurs morales, p. 11.

[13] Cf. Ibidem, p. 12.

[14] Ibidem, p. 18.

[15] Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs,  traduit par Victor Delbos, éd. Delagrave, Paris,                          1991, p.100.

[16] Jacques Maritain, Neuf leçons sur les notions premières de la philosophie morale,  p. 84.

[17] Ibidem, p. 161.

[18] René Simon, Morale, p. 189.

[19] Emmanuel Kant, Fondement de la métaphysique des mœurs, p.126.

[20] Ibidem.

[21] Ibidem.

[22] Ibidem, p.135.

[23] Arthur UTZ, Approche d’une philosophie morale, traduit par Joachim Dinh – Thuc, ed. Beauchesne, Paris,                   1972, p. 114.

[24] Cf. http:// fr. wikipedia.org/wiki/Valeur_morale juillet 2008.

[25] Cf.  Platon, La République, livre VII, 514a-521d.

[26] Cf. Spinoza, Ethique, Traduit par Robert Mishahi, Puf, Paris, 1990, p.165.

[27] http:// fr. wikipedia.org/wiki/Valeur_morale juillet 2008.

[28] Jacques Maritain, Neuf leçons sur les notions premières de la philosophie morale, p. 20.

[29] Ibidem, p. 36.

[30] Arthur Utz, Approche d’une philosophie morale, p. 140-141.

[31] Cf. Ibidem, p.141.

[32] Jean Pascal Perreux, Théologie morale fondamentale, t. 3,   éd. Pierre Téqui, coll. Croire et savoir,  n°50 ,                                      Paris, 2008, p. 108.

[33] Cf. Régis Jolivet, Traité de philosophie, t. IV,  Ed. Emmanuel Vitte, 5è édition,   Paris, 1960, p.p. 214-218.

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